Un puzzle pièces manquantes - barrière budgétaire avec icône € - silhouette humaine désorientée

Les limites et problématiques du BIM

Par Cyrill LEBAS, le 11.04.2025

 

Sur le papier le BIM semble parfait. Transparence, fluidité et même gain de rentabilité, si l’on en croit certains professionnels du secteur ainsi que les éditeurs de logiciel, le BIM est pleinement opérationnel et ne demande qu’à être utilisé. Malgré tout, le BIM, en particulier en France peine à se généraliser.

Les chiffres officiels parlent d’un taux d’adoption des entreprises de la construction d’environ 30%. Ce chiffre est selon ma propre expérience du terrain, très largement surestimé. Pourquoi ?  Tout simplement parce que les maîtres d’œuvre, architectes et entreprises générales auront du mal à admettre que leur projet n’a pas suivi une véritable démarche BIM sous peine de perdre en crédibilité.

Bien sûr, il y a très certainement eu la création d’un jumeau numérique. Mais ce dernier a t’il été consulté et alimenté par l’intégralité des acteurs du projet ? Malheureusement non, dans ce cas difficile de parler réellement de démarche BIM. Nous allons donc tenter de comprendre et d’expliquer pourquoi le BIM est loin d’être la règle, quelles sont ses limites et les problématiques qu’il rencontre.

Des limites techniques ?

Il y a assez peu de limites techniques à proprement parler. Cela fait de nombreuses années déjà qu’il existe des solutions qui ont été mises au point par les éditeurs de logiciels et qui sont constamment améliorées. Quasiment tous les corps d’état peuvent désormais trouver un logiciel ou un add-on Revit dédié à leur métier. Les informations relatives au chantier, aux produits utilisés, leur temps de mise en œuvre, d’approvisionnement, leur coût, leur performance etc… peuvent être intégrées dans une maquette numérique. Avec les outils de CAO/DAO dont nous disposons, nous pouvons modéliser en 3D avec un très grand niveau de détail.

 

Le principal problème technique réside dans l’absence de format standardisé pour le BIM, chaque éditeur de logiciel BIM essayant d’imposer son format aux autres. Etant donné la grande variété d’offres désormais disponibles sur le marché, cela complexifie grandement la collaboration entre les acteurs. Il est bien sûr possible d’utiliser (et c’est même le cas sur la plupart des projets) les formats .IFC et .BFC qui sont des formats ouverts. Malheureusement une fois ce format généré, il y a généralement une perte d’informations non négligeable et la modification du fichier créé devient très difficile.

Des limites économiques ?

Le BIM représente une innovation de rupture par rapport à une méthode CAD. Ce genre de changement ne se fait pas sans un minimum d’investissements financiers. Malheureusement l’heure étant plutôt à l’économie, surtout dans le bâtiment public, l’intégration d’un processus BIM est très souvent raboté au strict minimum voire totalement supprimé de l’équation. Sans une réelle volonté de la maitrise d’ouvrage pour intégrer une maquette numérique, avec des moyens financiers appropriés, le développement du BIM sera constamment ralenti.

Des limites humaines ?

 Il y a tout d’abord un véritable enjeu de formation. Les outils de plus en plus précis et complets sont aussi de plus en plus complexes à maitriser, là où auparavant un seul logiciel comme Autocad suffisait. Il en faut désormais plusieurs, et bien sûr chaque corps d’état a ses propres besoins et contraintes. De plus, comme explicité plus haut, avec peu de moyens financiers, difficile de former du personnel.

 

Il y a aussi un certain climat de défiance chez beaucoup de professionnels. Certaines craintes sont justifiées comme le risque d’une « virtualisation » encore plus importante du monde du bâtiment. Il faut effectivement garder à l’esprit que l’objectif principal de notre métier, c’est de réaliser un ouvrage bien réel et non un tas d’octets quelque part sur un serveur à l’autre bout du monde. Le BIM n’est qu’un outil. Il est là pour simplifier le travail des entreprises de construction et leur collaboration. Aussi, il permet d’aider l’exploitant dans sa gestion du bâtiment et enfin apporter un support technique aux futurs acteurs qui interviendrons autour du recyclage et/ou de la destruction.

 

Quant à d’autres craintes liées principalement à la réticence au changement, elles nous obligent, nous acteurs du BIM ou formateurs, de continuer à informer, expliquer, accompagner et former. Personne ne doit avoir le sentiment d’être laissé sur le côté.

Un problème culturel ?

Chez les anglo-saxons et les germains, qui semblent être en avance sur le sujet, on a plus tendance à la planification et à l’anticipation, alors que chez les latins il y a un attrait naturel à l’improvisation. Loin de moi l’idée de prêter à jugement de valeur, chacune de ces approches a des avantages et des inconvénients.
Mais il est clair que BIM ne rime pas avec improvisation, c’est même l’exact opposé. Nous avons tous des tas d’exemples où des bâtiments commencent à se construire, et certains lots secondaires n’ont toujours pas été attribués à une entreprise. Ce qui veut dire que non seulement les entreprises doivent s’adapter à ces nouvelles méthodes numériques, mais en plus il y a une véritable remise en question à opérer sur nos méthodologies de construction.

En conclusion, le BIM reste un outil complexe à maîtriser et coûteux à mettre en place. Pour ne rien arranger les guerres d’égo entre éditeurs de logiciels complexifie encore un peu plus la collaboration et donc tout le processus BIM. Bien qu’il propose de belles solutions sur le papier, il reste de nombreux obstacles et limites à sa généralisation. En France particulièrement, en plus de la nécessité d’une maitrise accrue du numérique, le BIM nous impose de revoir complètement notre façon de faire en matière de construction. Qui plus est, il doit être appréhendé comme un outil nécessaire et utile à la bonne réalisation d’un projet et non comme une fin en soi.